Inspirée par le monde tonitruant de l’enfance, par les jouets empilés dans les coffres ou animés par les mains enfantines, Yasemin Senel amorce et superpose mille contes féroces et singuliers. Dans cette grande célébration de la vie, les contraires et les faux-semblants sabotent les perceptions. Les hiboux sont
éveillés en plein jour, un squelette d’oiseau tend son sein gorgé de lait, les profils font face, les singes se coiffent de couronnes et les dames de jadis cachent leur visage émacié sous des voiles de vierges et des fleurs fraîches. Les couleurs acidulées, les harmonies fringantes, le mouvement endiablé, tout
cela dégage une allégresse, une verdeur et une force qui bousculent. Mais l’énergie n’est jamais éparpillée en vain, elle est canalisée, maîtrisée pour exploser en de petits feux follets précisément là où il faut. Les surfaces peintes sont chatouillées de dessins au trait, posés comme autant de petits
graffitis racontant des histoires parallèles à la grande Histoire. On sent aussi l’exigence et la rigueurd’une artiste qui recherche avec une intelligence instinctive la grâce, la justesse et l’équilibre dans ses
œuvres.
Justine Jacquemin